Réforme de la voie pro : le marché aux élèves est ouvert


 

Quel avenir prépare-t-on pour nos enfants qui entrent en lycée pro ? La FCPE se pose encore et toujours la question du projet de société que notre pays formule pour les élèves, avec en toile de fond, la législation sur le travail des enfants et leur contribution forcée à la réindustrialisation du pays. Ce n’est pas sur le dos des élèves que l’on doit concurrencer la main d’oeuvre à bas coût et les délocalisations !

Le bureau des entreprises dans les établissements scolaires, bientôt créé, ressemble bien trop à un bureau de placement digne du 19e siècle. La FCPE rappelle que le public lycéen est en grande partie constitué de mineurs. Ils sont en formation qu’ils soient au lycée ou dans l’entreprise. Nous tenons à rappeler qu’un.e jeune en stage reste un.e apprenant.e à encadrer, à sécuriser, à évaluer. Les formations doivent leur ouvrir des horizons et ne pas les bloquer sur une seule voie, sans passerelle possible en réorientation. 

Suite au « 100% insertion », « zéro décrocheurs », la voie professionnelle des lycées devient une grande cause nationale avec 1 milliard d’euros par an à la clé. La FCPE devrait s’en réjouir mais dans la réalité, cela ressemble à un marché de dupes. Après avoir démantelé le service public d’orientation, fermé des lycées publics, laissé sans affectation des élèves, cet investissement est au final destiné aux entreprises pour leur permettre de remplir ces missions de service public qui incombent pourtant en premier lieu à l’Education nationale.

Des professionnels de l’entreprise viendront donner des cours aux élèves : enseigner est un métier et on ne s'improvise pas enseignant... Dès lors, comment ne pas s’inquiéter de la possibilité de laisser des personnes non formées au métier d’enseignant former les élèves, sans garantie de la qualité des contenus ni de la pédagogie dispensés ? Quels seront les prérequis, statuts et encadrement pédagogique pour les consultants extérieurs qui interviendront dans la formation initiale des élèves ? Comment ne pas y voir la préfiguration d’une sortie de la formation professionnelle du champ éducatif, et sa marchandisation ?

La FCPE dénonce la trop grande importance donnée aux besoins des entreprises locales dans l’élaboration des cartes de formation pour répondre à des besoins immédiats, sur des métiers localement en tension. Les besoins à moyen et long termes, à l'échelle nationale, des entreprises comme du secteur public et des associations, tels que présentés par le ministère dans leur prospective ‘Métier 2030’ montrent que si des besoins massifs sont prévisibles, beaucoup d'emplois qu’occuperont demain nos enfants restent à inventer. Dans un monde en pleine mutation climatique, sociétale et économique, il est important que les élèves de la voie professionnelle puissent avoir une formation large et des compétences qui leur permettent de s’adapter aux métiers de demain et aux nouvelles technologies. La FCPE s’inquiète que les élèves n’aient demain d’autres perspectives qu’une formation imposée par leur lieu d’habitation, leur milieu social ou leur impossibilité à être géographiquement mobiles aujourd'hui et demain. Le risque de faire d'eux des professionnels assignés à leur bassin d'emploi régional est réel...

La FCPE, depuis la rentrée 2022, observe des dérives. Des apprentis sous statut scolaire et inscrits dans un lycée ne peuvent pas bénéficier des enseignements légaux et gratuits parce qu'ils sont tenus d'être présents chez leur employeur durant le temps scolaire. La carence de formation initiale et le minimum d'expérience professionnelle acquise sous statut scolaire, s'opposent avec la promesse d'une formation initiale complète dans le pacte républicain de l'école. La FCPE demande la prise en compte de cette carence majeure lorsqu'elle existe et de l'équilibrer avec l'attribution d'un fonds spécifique de formation dédié à ces jeunes adultes envers qui l’État n’a pas tenu ses promesses.

Cette réforme annonce un doublement de la période des stages alors que les difficultés dans la recherche des stages sont connues. Les périodes de stages non effectuées se comptent déjà en millions d'heures sur les trois dernières années sans que de réelles compensations soient proposées. Nous savons que l'absence de réseau personnel et d'accès à l'information communiquée par les entreprises en sont les causes principales. La FCPE demande la création d'une plateforme nationale de "bourse aux stages" intégrant toutes les propositions de stages rémunérés par les entreprises aux élèves et aux apprentis.

Les stagiaires de la voie professionnelle ne peuvent pas constituer une maind’oeuvre à moindre coût, voire payée par l’Etat, dans des métiers ou des régions en tension. L’indemnisation des stages ne doit pas être une incitation qui pousse les élèves des familles les plus modestes à l’arrêt de leur parcours scolaire. La FCPE continue de demander qu’un soutien financier soit apporté pour favoriser la poursuite d’études de tous les élèves, afin de lutter contre les assignations sociales et territoriales à l’oeuvre dans les parcours scolaires de beaucoup trop d’enfants.